La terre semble gronder, elle gémit d'avance de ce qu'elle est prête à récolter, sang des ennemis, des corrompus et bientôt des oubliés. Ceux qui n'avaient plus leur place dans le nouveau monde, qui ne la méritaient plus si même l'avaient-ils mérité un jour. Le Royaume-Uni sorcier morcelé en clans, empire perdu aux mains de ceux qui sont restés et ont été acculés, enfermés à leur dépends. Il s'agit peut-être de leur faute, peut-être pas, toujours est-il qu'ils semblent tous y avoir leur place contrairement à ceux qui ont disparu. Bea avance d'un pas déterminé et rempli d'autorité au point culminant qui surplombe le paysage presque désertique, qui a tant souffert par le passé, de ce qui avait été un jour une grande prairie verdoyante à perte de vue. Trois hommes se positionnent derrière elle et s'entretiennent à voix basse en attendant les directives. Habillée d'un long manteau de cuir noir, ses longs cheveux roux retombent sur son dos, il s'agit possiblement de ce qui lui reste de plus emblématique à celle qu'elle était avant et celle qu'elle représente aujourd'hui. Sa chevelure de feu et ces flammes qui crépitent au sein de son regard, plus dangereuses, destructrices pour d'autres et parfois aussi pour elle-même. Bea n'était plus la même depuis des années et chaque bataille lui enlevait une part de son humanité, c'était le destin qu'elle avait accepté, qu'elle pensait être le sien. Ses sourcils sont froncés et son regard d'un bleu glacé balaie l'étendue face à eux, son escadron parfaitement aligné, celui du clan allié au sien pour cette journée particulière, à un tournant important pour leur survie en ces terres hostiles. Elle pensait aux morts que cette terre accueillerait, à tous ceux qu'elle a déjà supporté. Parce que ce lieu avait déjà été éprouvé par d'autres batailles comme celle qui s'amenait, d'affrontements inévitables entre ceux qui étaient restés et qui par l'instinct le plus vil de l'Homme cherchaient à posséder le plus de pouvoir possible. Bea s'était déjà battue ici bas et sa brûlure demeurait le souvenir laissé aux survivants. A ce souvenir, ses flammes se réveillent, crépitent au bout de ses doigts et forment même le début d'étincelles qu'elle maîtrise pourtant bien mieux qu'avant. Elle était passée pour un monstre à l'époque, pour la sauveuse. De tout un clan et une contrée mais bien le contraire pour l'autre ayant essuyé tant de pertes dans le feu mortel qui en avait emporté bon nombre, coupables comme innocents. Des mois avaient été nécessaires pour s'en remettre, se soigner, découvrir de nouvelles limites à son esprit baignant désormais entre la violence du poids de sa culpabilité et le prix du devoir inévitable qu'on n'a cessé de lui légitimer. Les baguettes sont rares, un don comme celui de Bea est une aubaine pour les clans, un atout inestimable pour ceux qui pourtant méprisaient les sorciers qui ne savaient pas contrôler leur magie à la perfection dans l'ancien monde. Amusant était de se rendre compte qu'ils étaient désormais ceux qui savaient le mieux performer la magie sans baguette, plus émotionnelle, plus vivante et dangereuse. Beaucoup s'y perdaient sans réussir à en contrôler sa puissance libérée, d'autres réussissaient et surpassaient toutes les attentes, parfois même à leur propre détriment et celui de leur compas moral. « We're ready. » le visage légèrement penché vers son épaule afin d'interpeller ses bras droits, elle n'était pas décisionnaire du clan auquel ils appartenaient ni prétendante au rôle, Bea employait son énergie et ses compétences aux combats, à la défense comme à l'offensive et si les titres ne s'offraient pas officiellement entre eux, Bea ne savait pas entièrement si elle était fière d'être la seule femme à cette haute position stratégique. Le prix était lourd à porter, mais n'était-ce pas une question de destin ? Cet autre monde dans lequel ils étaient tous désormais, hantés par les fantômes du passé impossibles à oublier, elle le voyait comme une forme de purgatoire à défaut d'avoir été accepté de part et d'autre des portes à la destination finale. Zone grise où presque tout était permis, où le bien et le mal s'effacent, seuls restent certains échos de leur vie d'avant, de l'honneur, des principes, de qui ils étaient avant tout cela. Mais qui était-elle désormais si ce n'était l'enflammée, le Dragon, celle qui en avait tué tant, celle qui en avait sauvé tant. Qui était-elle sans Willow, Warren, Jax, sans Callum, qui était-elle sans Caïn. Plus rien, seulement une flamme éprouvée et dangereuse attendant de connaître le jour où elle finirait par s'éteindre pour de bon.
La communauté sorcière ne ressemble plus à ce qu'elle était, réduite à l'état d'humains aux compétences hasardeuses, il n'y a pratiquement plus de baguettes, de loyauté, de contrôle, la magie s'échappe, se confond, s'oublie pour des armes plus moldues et des anciens temps. Les fusils ne sont pas assez nombreux pour le champ de bataille, l'ancienne noblesse se pare de son arrogance pour loger des épées dans les mains de ceux qui se pensaient purs et qui ne sont pour la plupart plus rien. De rares réussissent à contrôler leur magie sans baguette de façon à s'en servir, d'autres s'y sacrifient en la laissant prendre le pas sur eux et les rendre dommages collatéraux d'une cause qui n'en est pas vraiment une. Il n'y a plus de sublime, de parades parfaitement exécutées, les mouvements sont flous, les instincts bestiaux, le sang jaillit des carotides tranchées, l'épée peine à se retirer des corps lacérés et on gémit, on souffle à travers la souffrance qui s'entend de part en part. L'humain fait mal à l'humain au nom de libertés imaginées alors que la vérité est une prise de pouvoir et de territoire, de cette envie de violence et de guerre pour combler la rage qui vit en chacun d'entre eux d'avoir été oubliés, de ne pas avoir disparu eux aussi il y a cinq ans, nourrir cette injustice qui leur nourrit l'âme d'une violence à laquelle ils n'arrivent pas à s'habituer. Ils sont sans le moindre doute l'un des pires aspects de ce que l'ancien monde a laissé pour héritage, le plus décevant de ce que le nouveau offre comme spectacle à ceux restés à la bordure extérieure et les ayant oublié. Et Bea reste au point culminant surplombant la bataille, elle regarde silencieusement ses hommes qu'elle pourrait confondre avec ceux des clans adverses. Il ne s'agissait pas que d'un simple affrontement mais bien l'un de ceux qui verraient un véritable tournant se mettre en place. Elle ne savait même plus si elle y participait pour leur liberté, leur pouvoir ou tout simplement par habitude car le devoir n'était pas sa loyauté, elle ne vivait plus pour personne Bea, pas même pour elle-même. Ame habitant ce monde et refusant de mettre fin à ses jours tant que cette infime étincelle en elle perdurait, elle l'avait oublié même si c'était ce qui lui permettait de rester envie encore aujourd'hui. Elle attendait alors, qu'un jour tout s'arrête, que le sang qui coulera sera pour de bon le sien. Que tout s'éteigne, dans sa tête ces pensées qui la torturent, dans son corps toutes les douleurs qu'elle a pu accumuler, dans son cœur la souffrance de la perte des êtres aimés et qui un jour lui offraient une raison de vivre et d'aimer la vie.
La flamme jaillit, se promène entre les corps transpercés et gémissants, elle se confronte à ceux qui viennent tenter de l'éteindre contrairement à ce que profondément elle semble attendre. Elle brûle et laisse la cendre se répandre derrière elle au fil de son avancée, teinter le bout de ses doigts. Son maquillage sombre et de rouges nuancés ajoute à cette aura qui semble émaner d'elle uniquement lors de ses mouvements les plus hâtifs, comme si elle s'efforçait à nuancer encore sa magie, ces étincelles qui crépitaient le long de ses bras et jusqu'aux creux de ses mains. Elle touche ceux qui l'attaquent et les brûle, calcine la peau atteinte et caressée par la mort à l'endroit où elle appose son empreinte. Ils se souviendront d'elle à jamais, si ils en ressortent vivant. Sa réputation la précède et lui permet de ne pas se confronter à bon nombre de ces faux vaillants, la légende dit même que si on l'attaque de dos un phénix apparaîtra pour leur arracher les yeux. Il n'y a pourtant rien de vrai et elle le sait Bea, qui reste prudente, fondamentalement humaine, sorcière ayant oublié les fondamentaux pour seulement se servir de son énergie, ses émotions afin de réveiller l'élément qui a toujours crépité en elle, ce feu destructeur qui aujourd'hui est également la seule façon pour elle de ressentir un peu de chaleur dans son être entier glacé par l'absence de sens, de ceux qui manquent. Aucun phénix n'apparaîtra pour la protéger, son feu ne lui est pas offert par une quelconque divinité, elle n'est pas mieux qu'eux, seulement éplorée et perdue d'une façon qui active sa magie et qui peut la rendre redoutable. Mais elle n'oublie pas qu'elle peut à tout moment mourir par ces mêmes flammes qui semblent faire peur à ses ennemis, dont se sert son clan. Elle n'appartient à personne Bea, son don n'est pas proprement le sien, il la contrôle plus qu'elle ne le contrôle, est-elle même encore Bea ?
C'est en croisant un regard en particulier au sein de cette bataille qu'elle réalise qu'elle l'est toujours. Il n'est pas lui, mais aurait pu, partage son ADN. Ces mêmes yeux marrons qu'elle a un jour tant aimé, le noir jais d'une chevelure bouclée où elle aimait glisser ses doigts. Et elle a mal, par Merlin qu'est-ce qu'elle a mal lorsqu'elle le voit. Il lui rappelle ce qu'elle a perdu à jamais, il lui rappelle que cette vie d'avant a existé, qu'elle a vécu, qu'elle a été heureuse un jour, mais aussi qu'elle a tué, qu'elle a brûlé, qu'elle n'est plus la même, qu'aujourd'hui elle ne mériterait même pas son amour. Marcus se tient à quelques mètres d'elle, lui aussi a du affronter la nouvelle réalité, s'adapter, devenir quelqu'un d'autre et pourtant, il y a toujours ce sentiment familier qui s'éveille en elle lorsqu'elle le voit. Il pourrait lui faire tant de bien mais il la déchire, la brise un peu plus à chaque seconde où son regard se pose sur lui. Il n'est pas l'ennemi, ne l'a jamais été. Son clan et le sien ont failli l'être mais Bea avait insisté pour l'éviter et elle sait qu'il en avait fait de même. Marcus se battait avec grâce et volonté bestiale à la fois, violent comme il le désirait, mené d'un honneur qui le sauvait de chaque geste de trop. Elle avait l'impression qu'il y croyait encore, qu'il survivait mieux à tout cela qu'elle qui ne faisait qu'attendre sa fin sans la provoquer. Peut-être avait-il trouvé un sens à tout ça. Ils avaient passé quelques temps ensemble à rechercher celui qui les liait et les lie toujours d'une certaine façon, ils s'étaient fait mal à espérer, à se détester, à le chercher. Mais n'étaient-ils pas aujourd'hui ce qui ressemblait le plus à la notion de famille pour l'autre ? C'est par leur alliance qu'aujourd'hui ils se battent côte à côte, qu'il la rejoint pour se positionner à ses côtés. Mais elle le voit lui, à travers Marcus. Ses épaules, sa carrure, sa façon de la protéger sans le dire clairement. Une part d'elle encore en vie se brise un peu plus. Elle secoue la tête, il s'agit de Marcus, non pas de Caïn. Sur son avant-bras une longue coupure perlant d'un carmin dont la nature n'avait aujourd'hui plus aucune valeur et sa main repose dessus un instant afin de la lui cautériser par la chaleur incandescente de sa main. Elle ne remarque pas qu'elle est tout autant blessée, mais ils n'ont pas le temps de s'en soucier. La bataille continue de faire rage autour d'eux sans savoir pour combien de temps encore, ils peuvent à tout moment confondre leurs alliés de leurs ennemis, des éclats de voix et de sangs qui jaillissent, déchirent les tympans.
Puis le temps d'un instant qui semble pourtant durer une éternité, plus rien. Plus de douleur, plus de cris, plus de sang, plus de vie, un blanc intense et pour seule pensée une incompréhension totale. Le vide face à eux qui les aveugle et les pousse à clore leurs paupières sous la violente douleur qui agresse leur rétine, ils sont sonnés au point qu'un long sifflement aigu s'entend à leurs oreilles. Elle n'entend pas son propre gémissement de douleur, ne remarque pas que durant ce long instant elle ne semble pourtant plus rien ressentir de cette tourmente qui était la sienne depuis des années. Bea se sent nue, vulnérable et à la fois libérée de ses affres. Et soudain, le retour à la réalité, sans le bruit des épées ou des explosions. La fumée déjà présente avant hante les lieux avec une odeur de chair brûlée et abîmée mais rien d'autre ne semble différent à première vue. Il lui faut papillonner des yeux pour réussir à correctement y voir à nouveau, elle ressent à nouveau tout le poids pesant sur sa poitrine qui s'était envolé durant ce moment pénible, elle est à nouveau sa pire version. Elle a mal au ventre d'une appréhension qui ne l'avait pas autant torturé depuis un long moment, ses instincts s'éveillent, quelque chose semble clocher. Bea se demande qui a bien pu déployer une magie aussi déstabilisante et puissante, elle réalise alors que le champ de bataille n'est plus le même. S'il est toujours aussi éprouvé par les conséquences du combat, de nouvelles personnes s'ajoutent à celles déjà présentes, vivantes comme mortes. Habillés d'une façon qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps, ses yeux se plissent afin d'embrasser du regard tous les détails qu'elle peut noter à leur sujet. Ils sont effrayés lorsqu'ils comprennent où ils sont, ils ne sont pas aussi sales par la terre et la sueur qui les recouvre eux et plus que ces traits vaguement familiers réveillant une partie de sa mémoire enfouie, ils ont des baguettes. Alors son sang ne fait qu'un tour, Bea en tire de rapides conclusions comme d'autres. « CE SONT CEUX DE L'EXTERIEUR » mais cela n'avait aucun sens qu'ils apparaissent en plein affrontement en ayant l'air aussi désespéré, pourtant, personne ici dans le dôme n'était comme eux à présent. Ils ressemblaient à leur passé. Et Bea s'avance entre ses hommes et les autres, observe les visages comme bien d'autres. Son prénom s'entend dans un écho qu'elle n'écoute pas vraiment mais par instinct, son regard se tourne vers Marcus. Ensemble, ils entendent à nouveau son prénom énoncé. Ses sourcils se froncent, elle a l'impression d'être passée dans une toute autre réalité, de ne pas réussir à réaliser ce qu'il se passe, peut-être ne le désire t'elle pas, peut-être est-ce trop brutal pour le si peu d'espérance et de force qu'il lui reste.
Pourtant ils le voient soudain, à quelques mètres d'eux.
En parfaite réplique du souvenir qu'ils avaient de lui. Son sang ne fait qu'un tour et Bea a l'impression de soudainement ne plus réussir à respirer, incapable de regarder autre chose que le visage de celui qui détenait son cœur à jamais, cette dernière partie vivante en elle en qui elle n'accordait pas sa confiance aujourd'hui. « No. » parvient-elle à murmurer dans le peu de souffle lui restant, une main sur son ventre alors que son corps entier est éprouvé par son apparition, sa réalité. Cela ne pouvait pas être vrai, pas après cinq ans, pas même si ça avait été au bout d'un an ou de dix. Caïn avait disparu tout comme la majeure partie de la population, tout comme Willow. Caïn n'était plus des leur, n'avait pas sa place dans ce dôme, dans cette vie. Cela ne pouvait pas être lui quand bien même la regarde-t'il à cet instant de la même façon qu'il le faisait avant. Elle refuse de le croire, comprend alors ce qu'elle désire pour justifier sa présence, la même croyance que certains autres autour d'eux. Ruse qu'elle n'acceptait pas, qu'elle ne souhaitait même pas comprendre dans sa réalisation, qu'il ait s'agit d'un métamorphomage puissant ou d'une potion particulièrement vile, elle n'est plus rien Bea à cet instant précis, semble un peu plus brisée à chaque pas qu'elle amorce en sa direction. Et ses flammes s'éveillent en même temps que sa colère ne la consume, lui léchant d'abord les doigts sans jamais la brûler, puis accompagnant le bas de son manteau et se répandant en traînée derrière elle à son avancée. « you are dead. » comme une promesse et non pas une supposition du passé, sa voix qui vrille car sa gorge se resserre par les détails de cette copie conforme de son âme sœur face à elle qui se précisent à mesure qu'elle s'approche de lui, Bea qui arque son bras et envoie une boule de feu dévastatrice en sa direction qu'il esquive. Persuadée qu'il s'agissait d'un piège, d'une façon de finir de la rendre folle, peu certaine de réussir à rester saine mentalement après cela.
« LET ME KILL HIM » rugit l'ancienne lionne qui semble bien plus en vie en cet instant qu'en ces cinq dernières années, animée par la colère qui embrase son être entier face à ce piège qu'on leur tendait. Seulement Marcus s'est interposé et fait barrage entre elle et celui qui ose prétendre être son frère. « IT'S NOT HIM, IT CAN'T BE. » ajoute t'elle en vissant son regard à Marcus. Elle est persuadée ne pas être capable de tenir plus de dix secondes à observer le visage de Caïn sans mourir, c'est au regard du frère, de celui qui avait été une forme de pilier sans l'être ces dernières années qu'elle se raccroche. Pourtant, Marcus la trahissait aujourd'hui et une chose était sûre, il ne devrait pas tester sa patience et clémence aujourd'hui et en ces circonstances. « you should know it's not a good thing to get in my way. » menace adressée autant à Marcus qu'à l'imposteur, ses flammes s'éveillent en même temps que la bataille reprend son court autour d'eux et viennent lécher le sol tout près du seul Flint encore en vie puis l'épaule du menteur protégé. Dans un combat mené entre elle et Marcus, Bea profite d'une brèche pour prendre l'ascendant et s'approcher du faux Caïn en plaquant sa main directement sur sa gorge. Cela a l'effet d'aussitôt faire arrêter les mouvements de Marcus et leur combat inutile à ses yeux. « i've always liked to play with fire » Sa position est loin d'être stratégique parce qu'elle est obligée d'affronter son regard et ses doigts se resserrent sans encore l'étrangler, une part d'elle est incapable de le tuer. Elle s'effondre face à la réplique parfaite de son visage, du brun tant aimé de son regard profond et sincère. L'autre est rugissante de le faire au plus vite, elle l'intime à la violence, à la vengeance, à l'urgence de s'en libérer ou de mourir. Ses doigts libres éveillent des flammes qu'elle sait dévastatrices et qu'elle approche de son visage, Bea veut voir la peur s'emparer du regard de l'imposteur avant qu'il ne meurt. « last chance to show me your true face. » avant qu'elle ne le détruise de tout son être alors que la réalité était que même son feu le plus puissant n'était à la hauteur de la douleur qu'il réussit à lui infliger en la regardant de la façon dont il le faisait.
La communauté sorcière ne ressemble plus à ce qu'elle était, réduite à l'état d'humains aux compétences hasardeuses, il n'y a pratiquement plus de baguettes, de loyauté, de contrôle, la magie s'échappe, se confond, s'oublie pour des armes plus moldues et des anciens temps. Les fusils ne sont pas assez nombreux pour le champ de bataille, l'ancienne noblesse se pare de son arrogance pour loger des épées dans les mains de ceux qui se pensaient purs et qui ne sont pour la plupart plus rien. De rares réussissent à contrôler leur magie sans baguette de façon à s'en servir, d'autres s'y sacrifient en la laissant prendre le pas sur eux et les rendre dommages collatéraux d'une cause qui n'en est pas vraiment une. Il n'y a plus de sublime, de parades parfaitement exécutées, les mouvements sont flous, les instincts bestiaux, le sang jaillit des carotides tranchées, l'épée peine à se retirer des corps lacérés et on gémit, on souffle à travers la souffrance qui s'entend de part en part. L'humain fait mal à l'humain au nom de libertés imaginées alors que la vérité est une prise de pouvoir et de territoire, de cette envie de violence et de guerre pour combler la rage qui vit en chacun d'entre eux d'avoir été oubliés, de ne pas avoir disparu eux aussi il y a cinq ans, nourrir cette injustice qui leur nourrit l'âme d'une violence à laquelle ils n'arrivent pas à s'habituer. Ils sont sans le moindre doute l'un des pires aspects de ce que l'ancien monde a laissé pour héritage, le plus décevant de ce que le nouveau offre comme spectacle à ceux restés à la bordure extérieure et les ayant oublié. Et Bea reste au point culminant surplombant la bataille, elle regarde silencieusement ses hommes qu'elle pourrait confondre avec ceux des clans adverses. Il ne s'agissait pas que d'un simple affrontement mais bien l'un de ceux qui verraient un véritable tournant se mettre en place. Elle ne savait même plus si elle y participait pour leur liberté, leur pouvoir ou tout simplement par habitude car le devoir n'était pas sa loyauté, elle ne vivait plus pour personne Bea, pas même pour elle-même. Ame habitant ce monde et refusant de mettre fin à ses jours tant que cette infime étincelle en elle perdurait, elle l'avait oublié même si c'était ce qui lui permettait de rester envie encore aujourd'hui. Elle attendait alors, qu'un jour tout s'arrête, que le sang qui coulera sera pour de bon le sien. Que tout s'éteigne, dans sa tête ces pensées qui la torturent, dans son corps toutes les douleurs qu'elle a pu accumuler, dans son cœur la souffrance de la perte des êtres aimés et qui un jour lui offraient une raison de vivre et d'aimer la vie.
La flamme jaillit, se promène entre les corps transpercés et gémissants, elle se confronte à ceux qui viennent tenter de l'éteindre contrairement à ce que profondément elle semble attendre. Elle brûle et laisse la cendre se répandre derrière elle au fil de son avancée, teinter le bout de ses doigts. Son maquillage sombre et de rouges nuancés ajoute à cette aura qui semble émaner d'elle uniquement lors de ses mouvements les plus hâtifs, comme si elle s'efforçait à nuancer encore sa magie, ces étincelles qui crépitaient le long de ses bras et jusqu'aux creux de ses mains. Elle touche ceux qui l'attaquent et les brûle, calcine la peau atteinte et caressée par la mort à l'endroit où elle appose son empreinte. Ils se souviendront d'elle à jamais, si ils en ressortent vivant. Sa réputation la précède et lui permet de ne pas se confronter à bon nombre de ces faux vaillants, la légende dit même que si on l'attaque de dos un phénix apparaîtra pour leur arracher les yeux. Il n'y a pourtant rien de vrai et elle le sait Bea, qui reste prudente, fondamentalement humaine, sorcière ayant oublié les fondamentaux pour seulement se servir de son énergie, ses émotions afin de réveiller l'élément qui a toujours crépité en elle, ce feu destructeur qui aujourd'hui est également la seule façon pour elle de ressentir un peu de chaleur dans son être entier glacé par l'absence de sens, de ceux qui manquent. Aucun phénix n'apparaîtra pour la protéger, son feu ne lui est pas offert par une quelconque divinité, elle n'est pas mieux qu'eux, seulement éplorée et perdue d'une façon qui active sa magie et qui peut la rendre redoutable. Mais elle n'oublie pas qu'elle peut à tout moment mourir par ces mêmes flammes qui semblent faire peur à ses ennemis, dont se sert son clan. Elle n'appartient à personne Bea, son don n'est pas proprement le sien, il la contrôle plus qu'elle ne le contrôle, est-elle même encore Bea ?
C'est en croisant un regard en particulier au sein de cette bataille qu'elle réalise qu'elle l'est toujours. Il n'est pas lui, mais aurait pu, partage son ADN. Ces mêmes yeux marrons qu'elle a un jour tant aimé, le noir jais d'une chevelure bouclée où elle aimait glisser ses doigts. Et elle a mal, par Merlin qu'est-ce qu'elle a mal lorsqu'elle le voit. Il lui rappelle ce qu'elle a perdu à jamais, il lui rappelle que cette vie d'avant a existé, qu'elle a vécu, qu'elle a été heureuse un jour, mais aussi qu'elle a tué, qu'elle a brûlé, qu'elle n'est plus la même, qu'aujourd'hui elle ne mériterait même pas son amour. Marcus se tient à quelques mètres d'elle, lui aussi a du affronter la nouvelle réalité, s'adapter, devenir quelqu'un d'autre et pourtant, il y a toujours ce sentiment familier qui s'éveille en elle lorsqu'elle le voit. Il pourrait lui faire tant de bien mais il la déchire, la brise un peu plus à chaque seconde où son regard se pose sur lui. Il n'est pas l'ennemi, ne l'a jamais été. Son clan et le sien ont failli l'être mais Bea avait insisté pour l'éviter et elle sait qu'il en avait fait de même. Marcus se battait avec grâce et volonté bestiale à la fois, violent comme il le désirait, mené d'un honneur qui le sauvait de chaque geste de trop. Elle avait l'impression qu'il y croyait encore, qu'il survivait mieux à tout cela qu'elle qui ne faisait qu'attendre sa fin sans la provoquer. Peut-être avait-il trouvé un sens à tout ça. Ils avaient passé quelques temps ensemble à rechercher celui qui les liait et les lie toujours d'une certaine façon, ils s'étaient fait mal à espérer, à se détester, à le chercher. Mais n'étaient-ils pas aujourd'hui ce qui ressemblait le plus à la notion de famille pour l'autre ? C'est par leur alliance qu'aujourd'hui ils se battent côte à côte, qu'il la rejoint pour se positionner à ses côtés. Mais elle le voit lui, à travers Marcus. Ses épaules, sa carrure, sa façon de la protéger sans le dire clairement. Une part d'elle encore en vie se brise un peu plus. Elle secoue la tête, il s'agit de Marcus, non pas de Caïn. Sur son avant-bras une longue coupure perlant d'un carmin dont la nature n'avait aujourd'hui plus aucune valeur et sa main repose dessus un instant afin de la lui cautériser par la chaleur incandescente de sa main. Elle ne remarque pas qu'elle est tout autant blessée, mais ils n'ont pas le temps de s'en soucier. La bataille continue de faire rage autour d'eux sans savoir pour combien de temps encore, ils peuvent à tout moment confondre leurs alliés de leurs ennemis, des éclats de voix et de sangs qui jaillissent, déchirent les tympans.
Puis le temps d'un instant qui semble pourtant durer une éternité, plus rien. Plus de douleur, plus de cris, plus de sang, plus de vie, un blanc intense et pour seule pensée une incompréhension totale. Le vide face à eux qui les aveugle et les pousse à clore leurs paupières sous la violente douleur qui agresse leur rétine, ils sont sonnés au point qu'un long sifflement aigu s'entend à leurs oreilles. Elle n'entend pas son propre gémissement de douleur, ne remarque pas que durant ce long instant elle ne semble pourtant plus rien ressentir de cette tourmente qui était la sienne depuis des années. Bea se sent nue, vulnérable et à la fois libérée de ses affres. Et soudain, le retour à la réalité, sans le bruit des épées ou des explosions. La fumée déjà présente avant hante les lieux avec une odeur de chair brûlée et abîmée mais rien d'autre ne semble différent à première vue. Il lui faut papillonner des yeux pour réussir à correctement y voir à nouveau, elle ressent à nouveau tout le poids pesant sur sa poitrine qui s'était envolé durant ce moment pénible, elle est à nouveau sa pire version. Elle a mal au ventre d'une appréhension qui ne l'avait pas autant torturé depuis un long moment, ses instincts s'éveillent, quelque chose semble clocher. Bea se demande qui a bien pu déployer une magie aussi déstabilisante et puissante, elle réalise alors que le champ de bataille n'est plus le même. S'il est toujours aussi éprouvé par les conséquences du combat, de nouvelles personnes s'ajoutent à celles déjà présentes, vivantes comme mortes. Habillés d'une façon qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps, ses yeux se plissent afin d'embrasser du regard tous les détails qu'elle peut noter à leur sujet. Ils sont effrayés lorsqu'ils comprennent où ils sont, ils ne sont pas aussi sales par la terre et la sueur qui les recouvre eux et plus que ces traits vaguement familiers réveillant une partie de sa mémoire enfouie, ils ont des baguettes. Alors son sang ne fait qu'un tour, Bea en tire de rapides conclusions comme d'autres. « CE SONT CEUX DE L'EXTERIEUR » mais cela n'avait aucun sens qu'ils apparaissent en plein affrontement en ayant l'air aussi désespéré, pourtant, personne ici dans le dôme n'était comme eux à présent. Ils ressemblaient à leur passé. Et Bea s'avance entre ses hommes et les autres, observe les visages comme bien d'autres. Son prénom s'entend dans un écho qu'elle n'écoute pas vraiment mais par instinct, son regard se tourne vers Marcus. Ensemble, ils entendent à nouveau son prénom énoncé. Ses sourcils se froncent, elle a l'impression d'être passée dans une toute autre réalité, de ne pas réussir à réaliser ce qu'il se passe, peut-être ne le désire t'elle pas, peut-être est-ce trop brutal pour le si peu d'espérance et de force qu'il lui reste.
Pourtant ils le voient soudain, à quelques mètres d'eux.
En parfaite réplique du souvenir qu'ils avaient de lui. Son sang ne fait qu'un tour et Bea a l'impression de soudainement ne plus réussir à respirer, incapable de regarder autre chose que le visage de celui qui détenait son cœur à jamais, cette dernière partie vivante en elle en qui elle n'accordait pas sa confiance aujourd'hui. « No. » parvient-elle à murmurer dans le peu de souffle lui restant, une main sur son ventre alors que son corps entier est éprouvé par son apparition, sa réalité. Cela ne pouvait pas être vrai, pas après cinq ans, pas même si ça avait été au bout d'un an ou de dix. Caïn avait disparu tout comme la majeure partie de la population, tout comme Willow. Caïn n'était plus des leur, n'avait pas sa place dans ce dôme, dans cette vie. Cela ne pouvait pas être lui quand bien même la regarde-t'il à cet instant de la même façon qu'il le faisait avant. Elle refuse de le croire, comprend alors ce qu'elle désire pour justifier sa présence, la même croyance que certains autres autour d'eux. Ruse qu'elle n'acceptait pas, qu'elle ne souhaitait même pas comprendre dans sa réalisation, qu'il ait s'agit d'un métamorphomage puissant ou d'une potion particulièrement vile, elle n'est plus rien Bea à cet instant précis, semble un peu plus brisée à chaque pas qu'elle amorce en sa direction. Et ses flammes s'éveillent en même temps que sa colère ne la consume, lui léchant d'abord les doigts sans jamais la brûler, puis accompagnant le bas de son manteau et se répandant en traînée derrière elle à son avancée. « you are dead. » comme une promesse et non pas une supposition du passé, sa voix qui vrille car sa gorge se resserre par les détails de cette copie conforme de son âme sœur face à elle qui se précisent à mesure qu'elle s'approche de lui, Bea qui arque son bras et envoie une boule de feu dévastatrice en sa direction qu'il esquive. Persuadée qu'il s'agissait d'un piège, d'une façon de finir de la rendre folle, peu certaine de réussir à rester saine mentalement après cela.
« LET ME KILL HIM » rugit l'ancienne lionne qui semble bien plus en vie en cet instant qu'en ces cinq dernières années, animée par la colère qui embrase son être entier face à ce piège qu'on leur tendait. Seulement Marcus s'est interposé et fait barrage entre elle et celui qui ose prétendre être son frère. « IT'S NOT HIM, IT CAN'T BE. » ajoute t'elle en vissant son regard à Marcus. Elle est persuadée ne pas être capable de tenir plus de dix secondes à observer le visage de Caïn sans mourir, c'est au regard du frère, de celui qui avait été une forme de pilier sans l'être ces dernières années qu'elle se raccroche. Pourtant, Marcus la trahissait aujourd'hui et une chose était sûre, il ne devrait pas tester sa patience et clémence aujourd'hui et en ces circonstances. « you should know it's not a good thing to get in my way. » menace adressée autant à Marcus qu'à l'imposteur, ses flammes s'éveillent en même temps que la bataille reprend son court autour d'eux et viennent lécher le sol tout près du seul Flint encore en vie puis l'épaule du menteur protégé. Dans un combat mené entre elle et Marcus, Bea profite d'une brèche pour prendre l'ascendant et s'approcher du faux Caïn en plaquant sa main directement sur sa gorge. Cela a l'effet d'aussitôt faire arrêter les mouvements de Marcus et leur combat inutile à ses yeux. « i've always liked to play with fire » Sa position est loin d'être stratégique parce qu'elle est obligée d'affronter son regard et ses doigts se resserrent sans encore l'étrangler, une part d'elle est incapable de le tuer. Elle s'effondre face à la réplique parfaite de son visage, du brun tant aimé de son regard profond et sincère. L'autre est rugissante de le faire au plus vite, elle l'intime à la violence, à la vengeance, à l'urgence de s'en libérer ou de mourir. Ses doigts libres éveillent des flammes qu'elle sait dévastatrices et qu'elle approche de son visage, Bea veut voir la peur s'emparer du regard de l'imposteur avant qu'il ne meurt. « last chance to show me your true face. » avant qu'elle ne le détruise de tout son être alors que la réalité était que même son feu le plus puissant n'était à la hauteur de la douleur qu'il réussit à lui infliger en la regardant de la façon dont il le faisait.