ONE-SHOT.
1 semaine après les disparitions.
« Est-ce que vous avez vu... » Sa voix se perd dans un flot ininterrompu de plaintes larmoyantes alors que tout autour d’elle, les corps se mouvaient dans des déplacements dépourvus de sens. Ils ressemblent tous à des âmes en peine voguant dans les limbes à la recherche de ce qu’ils venaient tous de perdre. Le monde avait changé depuis une semaine déjà. Une semaine au cours de laquelle le chaos avait régné alors que personne ne comprenait ce qui était véritablement arrivé. On parlait d’un phénomène sans précédent, qui aurait touché les sorciers anglais de façon aléatoire. Aucune explication digne de ce nom n’était venu des autorités officielles – ces mêmes autorités qui semblaient tellement prises au dépourvu que Willow ne serait pas étonnée de les voir disparaître totalement au profit d’autres organisations. Elle s’en moque, toutefois. Elle se moque des raisons justifiant les disparitions soudaines qui avaient gangrené l’Angleterre, elle se moque de la panique qui gagnait un peu plus la population chaque jour. Elle n’a pas pleuré, n’a pas hurlé non plus. Elle se contente d’arpenter les rues peuplées du centre ville les unes après les autres avec une photo de Bea et Seamus, d’harceler les derniers représentants de l’ordre en les incitant à se bouger, comme si cela suffirait à les retrouver. C’était sans doute un espoir naïf qu’elle nourrissait encore, mais elle ne savait pas quoi faire et il était hors de question qu’elle ne baisse les bras. La brune refusait d’imaginer qu’ils puissent ne plus être là, piliers essentiels à sa vie et sans lesquels tout s’effondrerait peu à peu. Mais ça n’arriverait pas, pas vrai ? Elle les retrouvera, tous les deux, et ce sera comme si rien n’était jamais arrivé.
1 mois après les disparitions.
Ses mains s’agrippent à la faïence du robinet si fort que les jointures de ses mains s’en retrouvent blanchies, alors qu’elle peine à digérer la nouvelle. Elle doit se faire violence pour ne pas s’écrouler alors que son monde change radicalement, une nouvelle fois. A croire que les disparitions qui l’avaient secoué un mois plus tôt n’avaient pas suffi et qu’elle se retrouvait une nouvelle fois mise à l’épreuve. Willow avait passé ce dernier mois à cherché encore et encore sans avoir ne serait-ce que le début d’une piste. Rien. Rien, si ce n’est ce chaos qui peuplait les rues anglaises et qui les rendaient de plus en plus dangereuses alors que certains semblaient profiter du désordre général pour obtenir certains avantages. Seulement, plus rien ne comptait désormais alors que le test positif trône là, sur le meuble du lavabo. La sorcière lève les yeux vers le miroir et, spontanément, redresse légèrement son pull pour apercevoir son ventre encore plat. Ses doigts viennent effleurer sa peau alors qu’elle tente de s’imaginer l’arrondi que prendrait son ventre d’ici quelques semaines alors qu’il abriterait la vie. Évidemment, qu’elle avait voulu des enfants. Elle s’était déjà imaginée Seamus jouant avec eux, étant le meilleur père qui puisse être. Sauf que Seamus n’était pas là. Elle est seule, Willow, et rien ne l’avait aidé à anticiper cette grossesse. Comment même pouvait-elle croire être capable d’élever un enfant dans ce monde ? Elle n’était déjà pas sûre d’être une bonne mère avant tout ça, consciente de ses défauts et des problèmes qu’elle avait encore. Elle ne pouvait pas en être une maintenant, alors que le monde partait dans tous les sens et qu’elle peinait déjà à ne pas sombrer dans la folie et le désespoir. Pourtant il y a cette voix qui s’immisce et lui rappelle que ce n’était pas que son enfant à elle – c’était celui de l’homme qu’elle aimait de toutes ses forces. Cet enfant serait un peu de lui et s’il n’était qu’à moitié aussi exceptionnel que l’était son père, alors il ferait un sorcier hors du commun. Elle s’habitue un peu trop vite à l’idée, Willow, peut-être aussi parce que cet enfant serait le seul lien qu’il lui resterait si elle ne le retrouvait pas – idée qui restait totalement exclue. Alors peu à peu, l’esquisse d’un sourire étire ses lèvres, le premier depuis un mois déjà. Elle ignorait ce que l’avenir lui réservait mais ce qu’elle savait, en revanche, c’était qu’elle ne pouvait pas priver le monde de bénéficier d’une partie, aussi infime soit-elle, de Seamus.
2 mois après les disparitions.
« Où est-ce que je l’ai mis ? » Son ton se fait plus agité alors qu’elle fouille dans son sac à la recherche des deux photographies auxquelles elle s’accrochait tant sans jamais parvenir à les trouver. Agacée, la brune finit par retourner intégralement son sac, en faisant tomber le contenu avant de s’agenouiller pour tenter de mettre la main sur ce qu’elle considérait comme ses possessions les plus précieuses. Toujours rien. Willow finit par s’arrêter, glissant une main dans ses cheveux alors qu’elle réfléchit sans parvenir à se souvenir de la dernière fois qu’elle avait tenu ces photos. C’était deux jours plus tôt, peut-être trois. Elle finit par se souvenir l’avoir montré à un marchand… Avant de l’avoir posé pour régler ses achats et partir sans se retourner. Brusquement, la sorcière se redresse, persuadée qu’elle pourra aller les retrouver, sauf que des vertiges la prennent et qu’elle s’effondrent dans le fauteuil derrière elle. Ils étaient de plus en plus récurrents ces derniers temps et elle savait pourquoi, même si elle s’était évertuée à ne pas y penser. Elle en faisait trop, continuant à chercher ceux qu’elle avait perdu en s’accordant peu de répit. Les disparitions s’étaient déroulées deux mois plus tôt et depuis, elle n’avait pas cessé un instant. Seulement, la grossesse la fatiguait constamment et même si elle avait tenté de passer outre, elle réalise alors qu’elle ne peut plus et qu’à cet instant, deux choix se présentaient à elle. Elle pouvait continuer comme elle le faisait, les chercher encore jusqu’à s’épuiser et risquer la vie de l’enfant qui grandissait doucement en elle. Ou alors… Elle pouvait tout arrêter. Se concentrer sur ce bébé qui viendra d’ici cinq mois déjà et qui allait lui demander plus d’énergie encore. Trouver un endroit sûr où elle pourra l’élever en attendant que Seamus ne les retrouve – parce qu’il les retrouvera forcément, pas vrai ? Son regard s’abaisse sur son ventre, doigts qui viennent s’appuyer sur celui-ci alors que sa gorge se serre. Elle n’avait plus le choix, Willow, il lui fallait penser aux mois plus compliqués qui allaient venir. Sa grossesse n’allait faire que la fatiguer de plus en plus et c’était maintenant qu’elle devait agir, tant qu’elle en avait encore les forces nécessaires. « I’m sorry. I’ll take better care of you now, I promise. » Sa voix qui se fait murmure alors qu’elle se jure à elle-même de constamment faire passer son enfant avant, peu importait ce que cela pouvait bien signifier. Pourtant, la culpabilité vient la frapper quand elle repense à Seamus alors qu’elle a l’impression de l’abandonner. Elle savait que lui ne l’aurait pas fait et qu’il aurait retourné l’Angleterre entière pour la retrouver et elle, elle n’était pas capable d’en faire autant. Un premier sanglot vient secouer sa poitrine alors que ses mains attrapent le pull de l’irlandais posé sur le canapé à côté d’elle, le pull qu’elle avait trimballé partout et qu’elle enfilait dès qu’elle en ressentait le besoin. Elle le serre contre sa poitrine, y enfouissant son visage alors que son odeur avait disparu depuis des semaines déjà. Les sanglots se font plus nombreux en même temps que les larmes se frayent un chemin sur ses joues alors que deux mois après les disparitions, Willow pleure pour la première fois. Elle pleure ce qu’elle doit laisser derrière elle sans le vouloir, elle pleure cet enfant qui ne pourra peut-être même pas connaître son père, elle pleure cet amour qu’elle éprouvait toujours si férocement mais dont elle ne pouvait plus rien faire, désormais.
Quelques protections sont ajoutées autour du chalet avant que Willow n’entre dans celui-ci pour venir s’échouer dans le fauteuil placé devant la cheminée, essoufflée. Elle avait l’impression que tout devenait de plus en plus difficile et fatigant alors qu’elle entamait ce qu’elle estimait être son sixième mois de grossesse. Elle n’avait aucun moyen de le savoir – elle refusait de se rendre dans un hôpital ou toute autre structure regroupant trop de monde. Elle n’avait pas confiance, Willow, ne comptant que sur elle-même pour prendre soin de ce bébé qui naîtra bientôt. Si elle sait qu’elle devra trouver de l’aide, pour l’instant, elle se contente de profiter de ce qu’elle a réussi à faire seule, aidée d’un peu de magie. La brune était tombée sur le chalet deux semaines plus tôt alors qu’elle cherchait un endroit où camper. Elle l’avait trouvé idéalement situé – isolé même si elle pouvait quand même accéder relativement vite à un petit village situé à vingt minutes de marche. Elle avait alors passé les deux dernières semaines à préparer l’endroit, qui était visiblement resté à l’abandon pendant quelques temps. Il y avait juste assez d’espace pour eux deux, un salon chauffé par la cheminée, une petite cuisine, une chambre et un point d’eau. Rien de bien extravagant mais cela lui suffisait amplement. La née-moldue avait réussi à prépare un petit potager qui devrait d’ici quelques temps leur fournir de quoi manger, même si ça ne sera pas suffisant. Elle avait également disposé de nombreux pièges autour du chalet, sorts visant à dissimuler le chalet alors que d’autres devaient la prévenir si quelqu’un venait à s’approcher un peu trop. Son regard balaie le salon avant qu’elle ne vienne tendrement poser sa main sur l’arrondi de son ventre. « On sera bien, ici. Je te le promets. » L’habitude qu’elle avait prise de lui parler, parce qu’elle n’avait plus que lui, désormais. Et comme bien souvent, elle en venait à se dire que ce qu’il manquait pour que tout ne soit parfait, c’était la présence de Seamus.
6 mois après les disparitions.
« Je peux plus, d’accord ? Je peux plus, je peux plus le faire et je suis désolée je... » Ses mots s’enchaînent, confus, alors que face à elle Hazel continue à l’encourager. Willow secoue la tête alors que les larmes coulent sur ses joues et qu’elle se sent vidée de toutes ses forces. Elle se demande pourquoi la médicomage face à elle se montrait aussi compatissante alors même qu’elle avait débarqué chez elle une heure plus tôt, la menaçant pour qu’elle s’occupe d’elle alors que le travail avait déjà commencé. Elle l’avait déjà repéré et savait qu’elle avait été médicomage mais ne l’avait jamais abordé, convaincue qu’elle ne pouvait se fier à personne. Pourtant, elle était là, allongée sur son lit, criant encore et encore alors que la douleur ne se calmait pas en dépit des potions données. « Je veux... » Elle pose sa tête sur les oreillers brutalement, se cambrant alors que ses doigts agrippent les draps sous l’effet d’une nouvelle contraction et qu’un cri lui échappe. Un sanglot la quitte alors qu’elle secoue une nouvelle fois la tête. « Je veux Seamus, il devrait être là, il.. pourquoi est-ce qu’on veut pas me le rendre ? » Parce qu’elle savait qu’avec lui, elle y serait parvenue. Avec lui, elle aurait eu la force nécessaire, parce qu’il aurait su quoi dire pour l’apaiser comme c’était si souvent le cas, parce que la force de son amour aurait suffi à apaiser ses douleurs les plus terribles. Mais il n’est pas là, il ne l’est plus depuis plus de six mois maintenant et elle n’avait plus rien qu’un trou béant à la place du cœur. Il lui manquait à chaque instant. Tout semblait douloureux sans lui, alors que ses pensées étaient irrémédiablement tourné vers lui, même quand elle s’était jurée d’aller de l’avant. Tout la ramenait à lui quand bien même elle essayait de penser avant toute chose à leur enfant, au produit de leur amour, à ce qui serait la preuve que leur affection l’un pour l’autre avait été réelle. « Je peux pas s’il est pas là, je peux pas faire ça sans lui. » Accoucher, éduquer leur enfant, vivre. Elle n’en était plus capable sans lui et elle n’était pas vraiment sûre d’en avoir envie non plus. « Vous êtes arrivée ici seule, malgré vos contractions. Vous avez survécu seule, alors que le monde vole en éclats. Vous n’avez besoin de personne. Cet enfant, lui, a besoin de vous. » Les mots de la médicomage lui parviennent comme à travers le brouillard mais elle réalise au fond qu’elle a raison, que si elle abandonne, alors elle perdait leur enfant. Alors en dépit de la douleur et de la fatigue, elle recommence à pousser, pour elle.
Et soudain, un rayon de lumière refait irruption dans sa vie. Elle n’avait pas prévu d’avoir le souffle coupé alors que la médicomage dépose sa fille sur sa poitrine, aidant Willow à la tenir correctement. Son regard croise celui du nouveau-né et elle comprend alors tout ce qu’on a un jour dit sur ce lien presque immédiat entre une mère et son enfant. L’amour qu’elle éprouve pour elle la terrasse et l’englobe entièrement, comme une évidence dont on ne peut se défaire. Seulement, elle ne veut pas s’en défaire, justement. Elle plonge la tête la première dans cet océan d’amour qu’elle éprouve, accepte avec soulagement l’affection qui aide son cœur à retrouver un rythme plus régulier. Elle pensait pourtant que jamais elle n’aurait été capable d’aimer à nouveau comme elle aimait Seamus et pourtant, c’est bien le cas à ce moment-là. « Freya. Elle s’appelle Freya. » Le prénom sort naturellement alors qu’elle y avait déjà pensé, voulant célébrer les origines de Seamus. Elle aurait alors l’impression qu’il est encore là, encore un peu avec elles, à veiller sur elles comme il l’aurait naturellement fait. Un sourire épuisé mains sincère étire ses lèvres, alors qu’elle dépose un baiser sur le front de sa fille. Enfin, elle avait retrouvé une raison de s’accrocher et d’avancer, une raison de vivre.
5 ans après les disparitions.
« Tu peux encore me raconter l’histoire du chevalier, maman ? » Un léger sourire étire ses lèvres alors qu’elle s’allonge sur le lit, près de Freya. Tout naturellement, la petite brune vient se blottir contre elle, posant sa tête sur sa poitrine. « Il était une fois, une princesse qui était toujours en colère. Peu importait ce que ses parents disaient, peu importait les amis qui l’entouraient, elle se sentait toujours en colère. Tu sais pourquoi ? » Ses doigts se perdent dans les mèches brunes de Freya pour la caresser tendrement. « Parce qu’elle était triste ? » « C’est ça. Elle était toujours triste mais elle ne savait pas quoi faire de toute cette tristesse, alors elle a choisi d’être en colère à la place. » « Mais le super beau chevalier est arrivé ! » Il y a un léger rire qui quitte les lèvres de Willow alors qu’elle hoche la tête. Elle avait déjà raconté cette histoire des dizaines de fois à Freya mais elle ne semblait pas s’en lasser. « Il est arrivé, oui. Et tu sais ce qu’il a fait, pour aider la princesse à ne plus être en colère ? » « Euh.. Rire, je crois ! » « T’as raison. Il l’a fait rire. Il l’a fait danser, l’a écouté, l’a fait sourire jusqu’à en avoir mal aux joues. Il l’a aimé, tellement fort, que la princesse a commencé à s’aimer, elle aussi. » « Et après ? » « Après, ils ont continué à s’aimer, tous les jours un peu plus, jusqu’à faire naître une princesse qui s’appelle… hm, j’ai oublié, t’aurais pas son nom par hasard ? » « Freya, comme moi ! » s’exclame alors l’enfant en riant, relevant la tête vers Willow. Celle-ci dépose un baiser sur son front avant de la serrer contre elle à nouveau. « J’espère qu’on rencontrera un chevalier comme ça, un jour. Tu seras plus jamais triste comme ça. » Elle se mord l’intérieur de la joue, Willow, pour retenir les larmes qui menaçaient de couler. Elle avait pourtant fait de son mieux pour ne pas lui montrer ce qu’elle éprouvait, pour se montrer aussi forte que possible. Seulement, parfois, elle n’y arrivait pas et elle s’effondrait quand elle croyait que Freya dormait – jusqu’à sentir sa petite main se faufiler dans la sienne et la serrer de toutes ses forces, jusqu’à ce qu’elle en oublie ses pleurs pour se concentrer sur la raison de ses sourires. « J’espère aussi, Freya. J’espère. »